mercredi 16 mars 2016

Un anneau qui fait du bien à la mémoire*



Comment dépassionner un monument frontalier conflictuel

Le monument à la Victoire de Bolzano dans le Trentin Haut-Adige en Italie fait partie de ces lieux de la mémoire des frontières à la symbolique hautement conflictuelle.

Grand arc de triomphe de style moderniste, tourné vers l’Autriche,  il manifeste avec une forme d’arrogance monumentale la fierté italienne de plus de quatre siècles d’histoire sous la domination des grandes puissances européennes enfin transcendés par la victoire de 1918.  Édifié en 1928 à la demande de Mussolini , sur les plans du grand architecte Marcello Piacentini, décoré par de grand artistes contemporains il est placé au centre des nouveaux quartiers de Bolzano destinés à accompagner la poussée urbaine de la petite cité germanophone provoquée par l’incitation à l’implantation de populations italophones. Il se substitue à un monument à la mémoire des chasseurs impériaux morts dans le camp autrichien pendant la Grande Guerre.  

La devise gravée sur son fronton, qui  proclame qu’il marque la frontière point à partir duquel la Patrie a éduqué autrui dans  la langue, les lois et les arts, exalte les valeurs de force et de domination du fascisme.  Le monument incarne également l’italianité imposée en 1919 au Tyrol du Sud, germanophone.  Ce témoin encombrant est un lieu de tensions entre les deux communautés linguistiques l’une réclamant sa démolition, l’autre le considérant comme sacré. Il est ainsi laissé à l’abandon pendant des décennies. 

C’est en 2014 que le ministère italien de la Culture et les autorités locales décident de "dépolitiser" ce symbole de discorde. La construction de marbre blanc est rénovée et sa crypte réouverte au public est dotée d’un remarquable centre d’interprétation.  Se plaçant dans une problématique résolument européenne  un comité composés d’historiens italiens mais également autrichiens a initié une muséographie qui présente l’histoire du Trentin de l'Italie libérale au fascisme, l'édification du monument, l'opposition locale au régime, l'occupation allemande de 1943 et la résistance pour s'achever en 1946 sur la reconnaissance des droits de la minorité germanophone.

L’entrée de l’exposition est signalée par un grand écran annulaire fixé sur l’un des piliers de l’arc. Cette « bague » lumineuse qui s'impose de manière volontariste à la lecture du monument n’est pas du goût de tout le monde prouvant, s’il en était besoin, que l’initiative va dans la bonne direction mais que le chemin est encore long. 
BB.

*Expression du Corriere delle Sera

mercredi 9 mars 2016

Entre ouverture et fermeture ?



 L’exposition Frontières du musée national de l’histoire de l’immigration à Paris interroge les réalités humaines souvent dures  sous tendues par le contrôle et le militarisation des limites dans notre difficile contexte contemporain.
Après une pédagogique et classique évocation historique du rapport aux limites édifiées par l’homme pour marquer  son territoire et se protéger de l’étranger, du barbare, de l'autre, contrôler les échanges… le visiteur muni de cet ancrage dans la longue durée est interpelé quant à ses propres idéaux ou contradictions. Alors que l'Europe s'est fondée sur l'utopie de la libre circulation dans une vaste zone d'échange d'autres États, même en son sein, édifient des barrières d'exclusion. 
Cartes, panneaux d'avertissements, uniformes, vue des limites paraissent alors autant nécessaires que dérisoires face à la réalité complexe de la frontière et plus encore l'actualité humaine terrible des migrations en méditerranée.  Le visiteur est questionné par la brutalité de ses schémas trop simples, de l'hésitation de ses choix de société acteurs de la tragédie humaine.  
B.B.

lundi 18 janvier 2016

Gustave Courbet : Entre France et Suisse



 Au cœur de la Franche-Comté, à Ornans, se situe un musée dédié à Gustave Courbet (Ornans 1819 – Tour-de-Peilz 1877).

Remarqué lors d'un Salon en 1849 où il expose quelques unes de ses œuvres dont Une après-midi à Ornans, Courbet se fait une place dans le monde de l'art. Pionnier du courant réaliste, il puise son inspiration dans les paysages, mais aussi les scènes de la vie domestique que lui procurent Ornans et ses alentours. Ainsi par le biais de ses œuvres, exposées ici et là en France, sa petite ville natale connaît une renommée nationale.
Malgré son attachement à sa région, Courbet se voit cependant contraint de la quitter. Fervent défenseur de ses opinions politiques, ces dernières le mènent à sa déroute lors de la Commune de Paris. En 1871, accusé à tort d'avoir détruit la Colonne Vendôme, le peintre est emprisonné et condamné à en payer la reconstruction. Après la saisie de ses biens par le gouvernement, il s'exile en 1873 à la Tour-de-Peilz, en Suisse, où il restera jusqu'à la fin de sa vie.

De par sa muséographie, le musée Courbet met en lumière les œuvres du peintre et retrace avec fidélité la vie de l'artiste sans taire sa période d'exil – expérience frontalière qui aura un impact sur sa peinture. Ses tableaux, imprégnés d'un fort ancrage régional, font la fierté du patrimoine franc-comtois. 
Lonie Baverel 


dimanche 17 janvier 2016

Musée des trois pays : un musée intégralement bilingue ?



      Vous souhaitez visiter un musée en Allemagne mais vous avez peur de vous heurter à la barrière de la langue ? Ou encore de ne pouvoir visiter et comprendre qu’une partie de l’exposition car tous les textes : cartels, textes d’expositions ne sont pas systématiquement traduits ?
     Pas de panique, la solution existe, et elle se trouve au sein du musée des trois pays : « drei Länder museum » se situant à Lörrach. Ce qui rend ce musée particulier et surtout bilingue : allemand et français, ce sont ses collections et sa localisation géographique, car le musée se trouve dans la région de Lörrach qui se situe au cœur des trois pays. En effet, du fait de cette proximité, les objets s’y trouvant et qui y sont présentés proviennent de France mais également d’Allemagne et de Suisse. Et ils ont pour objectif de retracer l’histoire de la région entre le Brisgau et le lac de Constance, soit l’histoire de la région du Rhin supérieur.
     Le visiteur qu’elle qu’il soit « francophone » ou « germanophone » est mis à l’aise grâce aux cartels qui sont traduits, dans les deux langues et grâce aux objets exposés. Il peut donc aisément circuler au sein du musée et comprendre le message que véhiculent les objets.
     Le seul point négatif, c’est qu’il n’existe pas aujourd‘hui de visites guidées en langue française, elles sont uniquement en langue allemande. Cela signifie que seul les « germanophones » peuvent avoir accès à la prestation « visite guidée », un problème se pose donc au visiteur « francophone » qui souhaiterait visiter le musée accompagné d’un guide conférencier. Par conséquent, il est dans l’impossibilité de le faire et donc d’approfondir sa visite en posant des questions.
Natasa Kolarevic 


vendredi 15 janvier 2016

Un exemple unique de musée transnational en Europe



 Musée des trois pays, Lörrach (D)
     Idéalement situé à proximité des frontières suisse et française, le Musée des trois pays : « drei Länder Museum » de Lörrach (Allemagne) est l’exemple même d’un musée transnational qui fonctionne. Présentant des collections muséales très diverses provenant des trois pays frontaliers : à savoir l’Allemagne, la France et la Suisse, le musée devient immanquable, si on veut en savoir plus sur l’histoire culturelle de la région.
     Le musée des trois pays se distingue des musées nationaux « classiques » car il traite de l’histoire de trois nations politiquement bien différentes mais en même temps très semblables sur le plan culturel, et c’est en cela que réside son originalité. Le musée essaye à travers les objets présentés et la muséographie de relater les diversités culturelles qui existent entre les trois nations mais également les points communs qui les relient et qui en font une région particulière. C’est dans ces conditions que le visiteur de la région peut retracer l’évolution qu’a subi son territoire et les grands événements du passé qui s’y sont déroulés.
     Il découvre ainsi de quelle manière cet espace naturel, a été compartimenté au fil du temps par l’émergence des trois nations. Il peut ainsi voir à travers l’exposition permanente la transformation qu’a notamment amenée la première guerre mondiale et l’instauration des frontières sur la région, dans plusieurs domaines comme l’économie, la politique ou la langue.
     Et pour se plonger dans l’ambiance originale du musée, le visiteur est invité à « ouvrir ses sens » puisqu’il est appelé à participer, par le toucher, ou encore l’ouïe. Il lui est permis de manipuler, expérimenter, se déguiser. L’objectif étant que sa visite soit à la fois instructive mais également divertissante. Par la multitude et la provenance des objets présentés, le musée des trois pays aborde l’histoire commune et les évènements marquants subis par l’Allemagne, la France et la Suisse afin de croiser le point de vue de chaque protagoniste dans la perspective très moderne d’une Europe multiculturelle. 
Natasa Kolarevic